PRÉSENCES
Molly Bertrand
Valérie Bourget-Cain
Laetitia de Koninck
Tina Lam
Pépite et Joseph
Florence Viau
Commissaire : Galadriel Avon
Amplifier l’errance, guetter le sillon des foulées
Marcher le terrestre, enluminer le visible. Envisager l’empreinte par ses vides plutôt que par ses pleins. Surtout, veiller à ne pas faire capituler le sensible.
Sorte d’effort de résistance pour une plus grande contemplation du monde, approche le dehors par le biais de ses enfouissements innombrables et d’autant de ses fossiles. Ces derniers, issus des bougements – millénaires – que le monde a en propre mais aussi des traces que nous pressons en lui, le marquent incontestablement de manières matérielles et immatérielles. Des microcosmes se dévoilent dans la durée : fragmentaires, ils disent l’impermanence et la précarité puis dessinent ensemble une constellation de petites ruines et de grandes naissances à préserver.
L’exposition ratisse, à partir d’un commun mais à la fois pluriel nous, les sols du monde pour détecter ses immémorialités géographiques et géologiques. Constituée comme un laboratoire d’attention, la proposition réunit les travaux des artistes Molly Bertrand, Valérie Cain-Bourget, Laetitia De Koninck, Tina Lam, Pépite et Josèphe puis Florence Viau, et invite à une déambulation somatique comme psychique au cœur de l’espace de monstration devenu, par collages et assemblages, site (sur)naturel. C’est dans une volonté empreinte d’humilité de regarder les possibles (co)présences autour d’objets animés et inanimés que des récits s’énoncent, s’activent. À l’abri de trop grands gestes et dans une certaine économie de moyens, les artistes se contentent de l’exactitude de la matière. Et au milieu d’affects qui s’enchevêtrent, l’idée d’une géopoétique s’infiltre, permettant de sonder les structures du paysage par des détournements, des proximités, des confrontations.
Comme une nouvelle manière d’atteindre l’autre, ici les pas parlent, les tranches de vie se veillent l’une l’autre. Car c’est dans la densité des strates qu’apparaissent les cycles et que se déplie l’échelle du temps.
(texte de la commissaire Galadriel Avon)
La présente exposition s’inscrit dans le cadre du projet PRÉSENCES initié par le Centre SAGAMIE en collaboration avec 7 centres de diffusion partenaires : L’Écart (Rouyn-Noranda), daphne (Montréal), Skol (Montréal), Vaste et Vague (Carleton), L’Œil de poisson (Québec), Caravansérail (Rimouski), Regart (Lévis).
PRÉSENCES vise à diffuser le travail de 32 artistes et de 8 commissaires/auteurs·trices de la relève dans le milieu professionnel des centres d’artistes à travers le Québec.
Chaque centre partenaire présentera une exposition de groupe ou un programme vidéo avec une sélection de ces jeunes artistes. Le centre SAGAMIE accueillera les 32 artistes en résidence de recherche/création et présentera les 7 expositions de ses partenaires.
Le projet PRÉSENCES bénéficie du soutien financier du Programme Initiatives structurantes en circulation d’œuvres de la relève au Québec du CALQ.
Diplômée d’un baccalauréat en sciences politiques et philosophie réalisé à l’Université de Montréal, Galadriel Avon a parallèlement réalisé une mineure en histoire de l’art à l’UQAM et complète désormais un programme de deuxième cycle en étude de la pratique artistique à l’UQAR. Codirectrice générale et éditoriale de la revue Vie des arts, Galadriel a aussi coordonné la revue Ex_situ, deux plateformes via lesquelles elle a œuvré et œuvre toujours à la décentralisation des écrits et savoirs sur les arts, en se portant notamment à la rencontre d’initiatives régionales et de pratiques émergentes. Également auteure et chercheuse, ses engagements rédactionnels puis commissariaux gravitent autour de ses intérêts pour la mémoire, la temporalité, la matérialité, la territorialité et la filiation. Par ces prismes, elle s’intéresse aux implications sémantiques et poïétiques de nos différentes manières d’être au monde, s’enchâssant souvent dans des territoires physiques comme intimes. Mû par un geste qui va vers, son travail se porte à la rencontre de pratiques qui questionnent l’habiter.
Née à Rouyn-Noranda, Molly Bertrand est diplômée en arts visuels du cégep de l’Abitibi-Témiscamingue (2022). À la fin de ses études collégiales, elle a reçu le prix Écart 2022 remis à un·e finissant·e du programme en arts visuels du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. Elle poursuit actuellement ses études au baccalauréat en arts visuels et médiatiques à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). À travers des matériaux tels que le métal, le bois, les végétaux et le textile, elle soulève des questionnements sur la différence entre l’humain et la nature et se questionne sur leur interdépendance. L’amplification de ses sens engendrée par son hypersensibilité fait ressortir le vécu et les qualités intrinsèques de ses matériaux dans ses projets. Elle s’intéresse à la notion du temps, celui du processus tout comme le temps propre des matériaux. Elle souhaite poursuivre sa carrière d’artiste à Rouyn-Noranda.
Originaire de Cap d’Espoir en Gaspésie, Valérie Cain Bourget est une artiste de la relève qui vit et travaille à Québec. Artiste multidisciplinaire, son travail prend refuge sur une ligne mince entre le cynisme d’un effondrement et sa romantisation. Elle emprunte plusieurs médiums pour explorer le nouveau-rudimentaire et la dimension « de fortune » qui se prêterait à un contexte d’après-fin. À travers la reconfiguration organisationnelle de matériaux frustes et d’éléments trouvés en forêt, elle étudie les structures des mécanismes improvisés construits en situation d’urgence. Qu’il s’agisse d’un caillou, d’une vidéo détériorée par la création d’erreurs de compression ou d’un isolant issu de l’industrie pétrochimique, les éléments sont mis à profit de la même façon en agissant à l’extérieur d’une hiérarchie qui établirait leur valeur. Titulaire d’un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’Université Laval (2019-2023), son travail a reçu le le Prix Tomber dans l’Œil 2023 et le Prix de la Fondation Louise-Viger 2023.
Engagée dans une démarche géopoétique par le biais de l’écriture et de la photographie depuis plusieurs années, Laetitia De Koninck poursuit une réflexion sur le vivant dans une approche à la fois contextuelle et relationnelle. Depuis 2020, elle s’intéresse plus particulièrement aux relations intimes entre le corps, les végétaux et les sols comme organisme vivant et comme « terrains de vie » – une expression empruntée au sociologue français Bruno Latour – dans une pratique artistique composée d’actions performatives, d’installations et d’environnements hybrides. Son travail s’inscrit dans une culture de l’attention, dans une éthique du « souci des autres », dans les pensées de l’écologie et dans la philosophie du végétale. Récipiendaire de la bourse d’excellence du partenariat Reconnecter avec le végétal (ReVe) 2022, elle a aussi été finaliste à la bourse universitaire de 2e cycle en arts visuels de la Fondation Grantham pour l’art et l’environnement 2023.
Depuis son enfance, Tina Lam reste fascinée et déconcertée par les mystères du monde naturel. Détenant un doctorat en chimie (Université McGill), un baccalauréat en beaux-arts (Université Concordia) et une maîtrise en beaux-arts (Université Cornell), elle continue d’aborder ces derniers de manière somatique à travers les arts et de manière méthodique par le biais des sciences. Élevée à Tio’tia:ke/Mooniyang/Montréal par des réfugiés cambodgiens-chinois pour qui la nature demeure chargée de traumatismes, l’artiste-exploratrice-scientifique poursuit une approche personnelle et thérapeutique du travail de terrain. Ses récentes œuvres sculpturales et performatives hybrident le matériel, l’haptique et le mystique et s’inspirent de sa formation scientifique, de la philosophie orientale, de la métaphysique et des réflexions du champ du nouveau matérialisme, qui se penchent sur le dynamisme paradoxal de la matière apparemment inerte. Par un lent processus du toucher, Lam se met en communion avec le monde physique et les forces élémentaires qui le constituent.
Depuis 2016, Pépite & Josèphe marchent, travaillent et vivent ensemble entre Montréal et Sutton. De leurs noms Vincent Biron-Chalifour et Josèphe Landreville, le duo favorise les mouvements lents et un mode de vie qui sous-tend une sensibilité commune motivant une production visuelle en phase avec les environnements côtoyés. Dans l’optique d’élargir leur conception des sites vécus, ils collectent des fragments et explorent diverses techniques d’assemblage. Que ce soit par extraction, fragmentation, numérisation, impression, association, classification, collage, colorage, grattage, dépliage ou moulage, le travail exploratoire du matériau est pour eux un moyen de cartographier un imaginaire qui se construit de jour en jour, intuitivement, méthodiquement. Issus des domaines de la photographie pour l’un et des arts visuels et médiatiques pour l’autre, le pouvoir de lier la vie à l’art habite leurs pensées. Leur rapport au monde social et matériel évolue au long d’une Expédition au cours de laquelle ils tâchent d’être attentifs à l’environnement pour réapprendre à le voir.
Florence Viau (1998) est une artiste multidisciplinaire qui vit et travaille à Tiohtià:ke/Montréal, où elle entamera d’ailleurs en 2025 une maîtrise en sculpture à l’Université Concordia. Au croisement de la sculpture, de la peinture, des arts imprimés et du dessin, sa pratique s’intéresse à la fabrication d’images à partir de différents contextes technologiques humains. Son travail se concentre sur les thèmes de la nature, de la mémoire et du langage, ainsi que sur les outils et les technologies, anciens ou actuels, qui peuvent être utilisés pour les préserver. Elle s’inspire à la fois du monde archéologique et du monde numérique, où le paysage est (dé)matérialisé à travers le temps et les interfaces. Elle détient un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal (2021) qui fut accompagné d’une bourse d’excellence de la Fondation McAbbie en sculpture.