Patrick Coutu
Construction dans l’espace
Le thème de la conquête spatiale est récurrent dans mon art plastique. Il témoigne d’une volonté de liberté; d’un désir de voir plus; d’une intention de prendre un certain recul face à notre monde pour ainsi mieux l’observer. Ce thème spatial agit comme métaphore de l’art plastique dans ma vie.
Avec Construction dans l’espace, le spectateur se trouve tout d’abord plongé dans un désordre complet et envahissant. Un brouillon visuel obtenu par un enchevêtrement de lignes dans l’espace qui peut rappeler l’univers du désordre d’idées préalables à la création plastique. C’est de manière analogue à la définition d’un projet que le visiteur comprend peu à peu ce qui se présente à lui et est en mesure de décortiquer les divers éléments qui composent la sculpture. Ce qui semblait si confus au départ commence à prendre sens. Une espèce de station spatiale en construction se dévoile.
Les premières formes découvertes apparaissent comme trois figures géométriques monumentales : un cercle, un triangle et un cassé. Respectivement, une sorte de soucoupe, lieu principal du concepteur, une serre pour la culture et une génératrice des énergies, chacune reliée à l’autre par un complexe réseau de fils électriques. Tout comme les liens, relations et influences qui génèrent les idées, ces multiples connexions sont essentielles à l’illumination de l’oeuvre, à son surgissement. Ces fils sont, en effet, tous rattachés au cube noir, à la fois filtre et génératrice, à partir duquel s’actionne la station en toute autonomie. Elle fonctionne ainsi à sa guise, inventant et empruntant des milliers de circuits singuliers.
À travers tout cet attirail, toutes sortes d’antennes captent des éléments du monde extérieur et en nourrissent l’oeuvre. Plusieurs formes anguleuses flottent au-dessus du chantier. Véritables figures du doute, elles interviennent telles des ondes plus ou moins nuisibles qui brouillent et questionnent le concepteur pendant son travail de réalisation. Enfin, la serre abrite d’étranges masses organiques en croissance, sortes de pousses, de débuts de productions plastiques générées par les divers éléments de la station. Elles sont au concepteur ce que ce projet est pour moi.
Par son titre et son esthétique, Construction dans l’espace se rapproche de l’art constructiviste russe. Le jeu des formes triangulaires, rondes et carrées et des couleurs vermillon, noir et blanc rappelle la peinture de cette époque. D’ailleurs, son élaboration à partir d’un point de vue privilégié offre un véritable tableau dans l’espace. Mais surtout, d’un point de vue idéologique, l’art russe de cette époque était tout entier articulé autour d’une quête utopique d’un monde meilleur, qui resta cependant inachevée. C’est ainsi que se positionne cette sculpture, comme un moment d’une recherche plastique, une pièce inachevée qui ajoute au parcours et qui contribue à éclaircir la compréhension de cette volonté de faire de l’art.