Marie Perrault
Oeil géologue. Kitakinan
Née d’un père géologue, les mots roches ignées, métamorphiques ou sédimentaires ont bercé mon enfance, ils incarnent le noyau dur de mon père et sa conscience singulière de la durée.
Issu d’une famille de colons abitibiens, mon père arrive au monde en terrain « miné ». Sa jeunesse, son histoire familiale et les récits que j’en ai eu, témoignent d’une histoire singulière de colonisation, d’exploration et d’exploitation du territoire. Ce legs m’offre un point de vue indirect, mais privilégié, sur l’accaparement exemplaire d’un capitalisme colonial dont le secteur minier s’avère typique. Ayant bénéficié de ce système, j’aimerais réfléchir à cet héritage.
Ma démarche s’inspire notamment des ouvrages Bande de colons (2020) de Alain Deneault et L’œil du maître. Figures de l’imaginaire colonial québécois (2020) de Dalie Giroux. Ces auteurs analysent les rapports liant les colonisateurs, les colons, subalternes des premiers, et les colonisés, victimes de ce système. Ma recherche vise à examiner les aprioris idéologiques de ces liens, sans en exclure ma propre histoire. Elle vise aussi à réduire le recul qu’impose le travail de commissaire, en juxtaposant librement à une réflexion théorique, des souvenirs personnels, des extraits d’archives familiales et d’articles de journaux, sous forme de textes sur l’art et de dessins.
J’aimerais que cette polyphonie provoque écoute et empathie autour de blessures et de traumatismes vécus de part et d’autre et liés à ces modes d’exploitation des ressources, de manière à renverser l’imaginaire de leur logique exclusive.
Marie Perrault agit comme autrice et commissaire en art contemporain. Elle a signé de nombreux essais et commentaires et a conçu plusieurs expositions, tant individuelles que de groupe. De 1997 à 2014, elle a travaillé au ministère de la Culture et des Communications, au Service de l’intégration des arts à l’architecture et en muséologie à la Direction de Montréal.