Tout commence dans la matière, en fait tout commence dans l’atelier, là où tout est transformé par une intervention. Les œuvres que Gabriel Morest nous propose peuvent être perçues comme une stratification de différents détails, voire une accumulation de gestes. Ces gestes, parfois impulsifs, parfois appliqués, deviennent l’affirmation de la décision de l’artiste qui, malgré son savoir-faire, décide d’arrêter le mouvement, de conclure. Les détails qui composent l’exposition nous ouvrent une fenêtre sur la chaîne processuelle de son travail manuel en atelier. 

Avec une approche phénoménologique face à la matière, Morest domine celle-ci à travers des actions de marquage, de grattage, de soustraction et d’accumulation qui illustrent du fait même un monde de contraste, un rapport dialectique entre différents univers : organique versus formel, matériaux nobles versus matériaux bruts, urgence versus lenteur, figuration versus abstraction. 

Se rapprochant de la figure humaine à la fois par leur échelle et par leur forme, sans tomber dans la ressemblance mimétique mais bien par un caractère sensuel, les sculptures créent une étrange sensation qui oscille entre le connu et l’inconnu. Le rapport kinesthésique que nous développons avec les œuvres nous impose une certaine relation anthropomorphique. Malgré les déformations et la brutalité des matériaux employés, on sent la présence presque corporelle de certaines figures organiques. 

L’installation in situ CORPUS est la somme d’une courte résidence de création ici à l’Écart, ainsi que de l’aboutissement de deux ans de recherches en atelier, qui s’inscrit dans la lignée de l’exposition SUTURE présentée en décembre 2021 à la galerie Laroche-Joncas (Montréal). Les expérimentations sur la mise en espace et la construction de relation entre peinture et sculpture viennent former un tout où les textures, les couleurs et le traitement de la matière se font écho et réfléchissent ensemble sur le rapport que nous entretenons avec notre quête de « trouver du sens » et du symbolisme de notre société. 

– Texte de Louis Bouvier