Après m’avoir invité à remplacer son caméraman à la dernière minute, une réalisatrice me demande de créer un univers visuel inspiré du cinéma asiatique. Bientôt exaspérée par mon incapacité à répondre positivement aux nombreuses références filmiques qu’elle m’énumère, elle se résout à me demander simplement une esthétique soignée. Je prends alors la caméra, et déterminé à composer une image capable de la rassurer, je ressens soudainement une impression de déjà-vu. En regardant dans le viseur de la caméra, je prends conscience qu’une part de moi-même hante le cadrage. Dissimulé sous les traits d’un Oriental, je suis assis là, derrière une toile de fumée, à imaginer celle qui n’a jamais existé. Je suis là, animant des êtres chimériques afin de combler mon besoin de compagnie, mais je suis surtout là pourchassant cette quête de perfection, cet idéalisme qui m’a jadis habité et que je tente maintenant d’arracher au monde des morts. Je me demande si à force d’avoir l’œil dans le viseur de la caméra, je ne suis pas devenu le mythomane de ma propre existence.